Centre d’Appui aux Services de Médiation de Dettes
de la Région de Bruxelles-Capitale

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Comment arrêter une saisie-arrêt sur revenu ? (JUIN 2020)

Vu la fermeture des salles des ventes des huissiers de justice pendant le confinement sanitaire, les huissiers ont dû recourir à d’autres moyens d’exécution que la saisie mobilière. Parmi ces moyens se trouve la saisie-arrêt sur revenu, qui consiste à s’adresser au débiteur de revenu de la personne poursuivie (employeur, ONEM, Mutuelle, …) pour que la partie saisissable du revenu soit saisie et reversée directement à l’huissier.

Si le mécanisme de la saisie-arrêt et du calcul de la part saisissable sont assez connus (pour plus d’infos à ce sujet, cliquez ICI), nous recevons de nombreuses questions concernant le moyen de mettre fin à ce type de saisie. En effet, les gens s’attendent à ce que la saisie-arrêt s’arrête une fois que le montant de la dette initiale est atteint et ils sont souvent surpris de voir les prélèvements continuer bien au-delà.

Nous allons tenter de vous expliquer 1° pourquoi les prélèvements continuent, 2° quand ils doivent s’arrêter et 3° comment faire pour tenter d’accélérer les choses ?

LE CARACTERE COLLECTIF DE LA SAISIE

La première chose à savoir, c’est que la saisie en Belgique a un caractère collectif, c’est-à-dire que toute somme récupérée par l’huissier au moyen de la force publique (via une saisie) [1] fait naitre une situation de « concours » entre les créanciers et doit être répartie entre eux en respectant les clauses de préférences [2] et au prorata des sommes dues [3]. En d’autres mots, lorsque l’huissier perçoit des sommes via une saisie sur salaire, il ne peut pas les reverser directement à son client mais doit la partager entre tous les créanciers déclarés selon des règles bien précises mais très compliquées.

Cette règle du concours ne s’applique pas uniquement à la saisie-arrêt mais vaut également lorsque l’huissier reçoit un montant unique de la banque (après une saisie sur compte) ou de la salle des ventes (après une vente forcée des meubles). En cas de saisie sur immeuble par contre, la procédure est légèrement différente parce que c’est le notaire et non l’huissier qui se chargera de la répartition du prix de la vente forcée. On parle alors d’une procédure d’ « ordre ».

L’huissier se retrouve en charge de tous les dossiers en cours et c’est pourquoi il prélèvera plus que le montant de son dossier. Ce n’est qu’une fois qu’il aura remboursé tous les créanciers qu’il pourra mettre fin à la saisie en envoyant au débiteur de revenu saisi une « mainlevée », c’est-à-dire l’autorisation de cesser les prélèvements. Aussi fou que cela puisse paraitre, CETTE RÈGLE A ÉTÉ INSTAURÉE DANS L’INTERÊT DU DÉBITEUR pour éviter que les huissiers ne fassent la file chez l’employeur et n’imposent pour chaque dossier des nouveaux frais de saisie (environ 600,00€).

QUAND S’ARRETE LA SAISIE SUR SALAIRE ?

Lorsque l’objet de la saisie est une créance périodique, c’est-à-dire lorsque la saisie porte sur des sommes qui doivent être payées à intervalles réguliers comme un salaire, une allocation ou encore un remboursement d’impôt, la saisie vaudra également sur les versements futurs, jusqu’à ce que l’huissier ait assez d’argent sur son compte pour payer tout le monde en ce compris ses frais. Le problème consiste à savoir qui sont les créanciers et à combien s’élèvent leurs créances.

Pour éviter les conflits, la recherche des créanciers et le partage des sommes a été réglementée dans le code judiciaire [4] sous le nom de « procédure de répartition ». C’est une procédure assez complexe avec plusieurs étapes qui demande du travail et coûte de l’argent (environ 250,00€). Si l’huissier ne fait pas une répartition tous les mois, C’EST DONC AUSSI DANS L’INTERÊT DU DEBITEUR.

  • 1. L’huissier doit d’abord contacter par recommandé les créanciers inscrits dans le Fichier Central des Avis de Saisies (le FCA), base de données légale qui reprend une inscription de toutes les procédures de recouvrement judiciaire en cours contre le débiteur. Il contacte également l’administration pour connaitre d’un éventuel impayé social ou fiscal.
  • 2. Ceux-ci ont 15 jours pour envoyer un décompte actualisé ainsi que la preuve de leur dette et de leur cause de préférence éventuelle.
  • 3. Ensuite l’huissier doit analyser les réponses des créanciers, préparer son projet de répartition et l’envoyer à toutes les parties qui ont 15 jours pour s’opposer si elles ne sont pas d’accord.
  • 4. C’est seulement après ce 2ème délai de 15 jours et sans opposition de personne que l’huissier peut enfin transférer les sommes aux différents créanciers conformément à ce qui a été prévu dans le PV de répartition. A noter qu’à partir de là, aucun délai n’est prévu pour le transfert des sommes et certains huissiers peu scrupuleux ont pris la fâcheuse habitude de conserver l’argent sur leur compte plusieurs mois encore, heureusement ce sont des cas isolés.
L’huissier ne connaitra donc le total des dettes du débiteur qu’à la fin de l’étape n°2, et il ne saura qu’à ce moment-là, au vu des montants qu’il reçoit chaque mois, s’il pourra clôturer la saisie cette fois-ci ou si d’autres répartitions seront encore nécessaires. C’est pourquoi l’huissier lui-même ne sait souvent pas répondre si on lui demande quand il pourra mettre fin à la saisie-arrêt.

QUAND L’HUISSIER DOIT-IL PROCÉDER À UNE RÉPARTITION ?

Si la saisie porte sur une somme fixe (après une vente ou une saisie sur compte), la répartition doit commencer au plus tard 15 jours après la réception de la somme [5]. Si la saisie porte sur une somme récurrente (saisie sur salaire, sur remboursement d’impôt, …) l’huissier a une plus grande marge de manœuvre. Dans la pratique, un huissier diligent répartit environ tous les ans. Il pourrait être amené à répartir plus souvent si les sommes prélevées sont importantes ou, à l’inverse, à espacer ses répartitions si les sommes prélevées sont vraiment réduites. Son timing dépend des montants qu’il reçoit par rapport au total de toutes les dettes. Si vous pensez que l’huissier traine et que le moment est venu de commencer une répartition, vous pouvez l’inviter à y procéder sur base de l’article 1629 du Code Judiciaire et il devra alors s’y mettre dans les 15 jours. Mais il faut être sûr que cela ne portera pas préjudice au débiteur.

Voici encore 3 autres règles qui peuvent influencer le timing des répartitions :

  • Si une des créances est une créance alimentaire, celle-ci doit être reversée tous les mois au créancier d’aliment. La loi a donc prévu pour cette dernière un super privilège qui lui permet d’être payée en priorité avant tout le monde. Pour éviter de devoir procéder à une répartition chaque mois alors qu’on sait déjà que l’intégralité de la somme sera attribuée au créancier d’aliments, l’huissier est autorisé à faire l’économie de la répartition et à transférer tous les mois la pension alimentaire.
  • Les frais de l’huissier qui effectue la saisie sont également hyper privilégiés et il peut les prélever en priorité sur le montant reçu. Tant que l’huissier n’a pas accumulé sur son compte au moins le montant de ses frais, une répartition ne se justifie pas puisque tout lui sera attribué. De même si la saisie s’arrête alors que le montant sur le compte de l’huissier n’est pas suffisant pour couvrir ses frais, il est admis qu’il fasse l’économie d’une répartition et se reverse l’argent à lui-même en paiement partiel de ses frais.
  • Lorsqu’il sent qu’il approche de la fin, l’huissier préfère souvent laisser la saisie durer 1 ou 2 mois de plus pour être certain que le dossier pourra être clôturé après répartition. Il n’est jamais à l’abri de la survenance d’une nouvelle taxe impayée ou d’une nouvelle dette. Le but est d’éviter de rester après répartition avec un solde de quelques centaines d’euros et devoir à nouveau répartir quelques mois plus tard. Et devinez quoi ? CA AUSSI C’EST DANS L’INTERÊT DU DEBITEUR. Les sommes perçues en trop seront bien sûr remboursées au débiteur.
A noter qu’une saisie-arrêt ne suspend pas automatiquement les autres moyens d’exécution. Ce n’est pas parce qu’une saisie sur salaire est en cours que l’huissier (ou un de ses confrères) ne peut pas saisir vos meubles et exiger un paiement sous menace de les vendre. Si la saisie-arrêt ne vous laisse pas assez de disponible pour effectuer un paiement volontaire, il faudra en informer l’huissier. L’huissier qui continue malgré le fait que vous l’ayez prévenu s’expose à l’abus de droit. [6]

QUE PEUT-ON Y FAIRE POUR METTRE FIN A UNE SAISIE SUR SALAIRE ?

  • 1° Payer avant le premier versement du tiers saisi entre les mains de l’huissier
    Il faut savoir que la situation de concours ne nait pas avec la saisie, mais avec la réception par l’huissier de la 1ère somme prélevée de force. Le débiteur qui est mis au courant d’une saisie (et qui en a les moyens) peut contacter l’huissier pour lui proposer de régler volontairement l’intégralité du solde du dossier avant que le tiers saisi n’ait eu le temps de reverser la moindre somme. L’huissier pourra ainsi mettre fin à son dossier et envoyer une mainlevée au tiers saisi avant d’avoir la moindre somme à répartir.
    Attention, il faut bien contacter l’huissier avant pour avoir son accord et être certain de bien payer tous les frais même ceux en cours. L’huissier pourrait rechigner à vous accorder cette possibilité mais d’habitude, il préfère clôturer son dossier au plus vite plutôt que de le faire trainer en longueur.
  • 2° Payer les autres créanciers
    Une fois la saisie lancée, le débiteur peut contacter les autres créanciers afin de régler au plus vite leurs dossiers. S’il envoie ensuite à l’huissier qui pratique la saisie la preuve que les autres dossiers sont clôturés, ce dernier aura une meilleure vision de la situation et pourra lancer la répartition au plus vite.
  • 3° En cas de pension alimentaire
    Le problème d’une saisie pour pensions alimentaires, c’est qu’elle vaut aussi pour les échéances futures. La saisie pourrait donc durer jusqu’à la fin de la pension alimentaire . Lorsqu’il n’y a pas ou plus d’autres dettes et que le retard de pensions alimentaires est rattrapé, le débiteur peut demander la suspension de la saisie pour reprendre des paiements volontaires. De nouveau ce n’est pas un droit et il faut que le créancier accepte.
    A noter que ce n’est pas toujours une bonne solution parce qu’au moindre faux pas, la saisie pourrait reprendre avec l’imposition de nouveaux frais de saisie. En plus, si la saisie est suspendue, rien n’empêche un autre créancier d’effectuer une saisie de son côté pour tenter de s’approprier la part saisissable normalement consacrée aux pensions alimentaires.
  • 4° Changer d’employeur
    La saisie effectuée chez votre précédent employeur ne « passera » pas chez le nouveau. Mais si vous changez de travail, contactez l’huissier pour prendre un arrangement amiable, sinon il reviendra quelque mois après chez votre nouvel employeur avec une série de frais supplémentaires et ce sera reparti pour un tour.
  • 5° Faire opposition devant le juge des saisies
    Le juge des saisies pourra faire annuler une saisie-arrêt seulement si vous lui prouvez que l’huissier a commis une erreur de droit. Il ne tient aucun compte de votre budget ou de vos capacités de paiement. De plus, cela nécessite d’avancer pas mal de frais puisqu’il faudra faire appel à un avocat spécialisé ainsi qu’à un autre huissier pour signifier la citation en opposition.
    En outre, l’opposition à une saisie-arrêt oblige le tiers saisi à conserver sur un compte bloqué la part saisissable des revenus du débiteur saisi. Ces revenus seront ensuite versés au créancier saisissant ou au débiteur en fonction de l’issue de la procédure en opposition. S’opposer à une saisie-arrêt ne permet donc pas de retrouver l’intégralité de sa rémunération ou autres allocations.
  • 6° Le Règlement Collectif de Dettes (RCD)
    Le RCD suspend les saisies. A compter de la décision d’admissibilité, le tiers saisi doit verser l’intégralité des revenus du débiteur sur le compte de médiation ouvert par le médiateur judiciaire au nom du médié. Le RCD impose d’autres contraintes que la saisie et celles-ci sont parfois tout aussi invasives pour le débiteur. Pour plus d’information sur cette procédure, cliquez ICI.

[1Par opposition à un paiement dit « volontaire » qui, lui, peut directement être versé dans le dossier. A noter qu’un versement fait sous la menace d’une saisie est considéré comme un paiement volontaire.

[2L’Etat par exemple dispose d’un privilège général qui le fait passer avant un créancier normal comme l’opérateur téléphonique. Les sommes saisies serviront d’abord à payer l’état avant de payer le créancier à la base de la saisie.

[3S’il n’y a pas de clause de préférence mais une dette de 1.000,00€ et une autre dette de 3.000,00€, le premier créancier devra se contenter de 25% de la somme saisie tandis que 2ème en recevra 75%.

[4Articles 1627 à 1638 du Code judiciaire

[5Article 1627 du Code Judiciaire

[6L’abus de droit reste une notion floue qui est soumise à l’interprétation du juge. Il faudrait pour l’invoquer porter l’affaire devant le juge des saisies et le convaincre que l’huissier a exposé sciemment des frais inutiles, ce qui n’est pas gagné. Mais il faut avoir informé l’huissier de la situation avant de l’accuser d’abus de droit.

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